Sujet du message: Origines de l'Autisme par le Conseil C. National d'Ethique
Les dépressions de la mère sont elles en cause dans la génèse de l'autisme ?
Définition de "génèse": processus de développement, création de quelque chose.
Réponse du Conseil Consultatif National d'Ethique en 1997: non.
Extrait copié collé:
"IV - Origine de l'autisme
Deux théories sur l'origine de l'autisme coexistent en France.
La théorie psychanalytique qui privilégie les causes psychogénétiques et la théorie
organique.
1. L'hypothèse psychogénétique
A)THÉORIE PSYCHANALYTIQUE
L'autisme serait dû à une " dysharmonie" dans les interactions précoces entre la mère et
l'enfant. Le syndrome autistique serait une modalité particulière d'organisation psychique en
réponse à ce dysfonctionnement.
La théorie psychanalytique a été développée dans les années 50, à une époque où l'on ne
disposait pas des moyens actuels d'investigation du système nerveux central. Cette théorie
n'a pas été construite sur des données scientifiques, mais elle s'appuie sur des études de
cas et propose des modèles d'explication des symptômes à partir de concepts
psychanalytiques. Il n'existe aucune étude épidémiologique permettant d'étayer cette
théorie.
B) FACTEURS PSYCHOGÉNÉTIQUES
Des facteurs environnementaux, tels que la dépression de la mère, ont été évoqués (P.
Ferrari). Mais les études, le plus souvent anglo-saxonnes, entreprises depuis 1970 montrent
qu'il n'y a pas d'arguments en faveur de cette association. Au contraire, si on suit les
enfants de mères souffrant de dépressions sévères récurrentes, on constate qu'il n'y a pas
d'association avec l'autisme. Les enfants élevés dans des conditions extrêmement
défavorables comme certains enfants élevés en institutions ou en situation de carence
affective ne sont pas sur-représentés dans les populations d'autistes, et les aspects
psychopathologiques qu'ils développent sont différents et parfois réversibles (E. Fombonne,
Etudes épidémiologiques de l'autisme infantile in Nouveau Traité de Psychiatrie de l'Enfant
et de l'Adolescent, Paris, PUF, 1995, 1171-1199).
2. L'hypothèse de l'origine organique de l'autisme
Les études épidémiologiques entreprises apportent les données suivantes :
A) FACTEURS INFECTIEUX
Leur influence n'est pas démontrée. Les symptômes d'allure autistique observés dans
certains cas de rubéole congénitale s'améliorent au fil du développement, contrairement à
ce qui est observé dans l'autisme.
B) COMPLICATIONS PRÉ- ET PÉRINATALES
On constate 2 fois plus de problèmes pendant la période pré- et périnatale chez les
personnes autistes. L'interprétation de cette association est difficile parce que les types de
problèmes sont très variables et qu'il n'y a pas de physiopathologie commune. Une
hypothèse étayée par les études de jumeaux et les études familiales, est que ce seraient les
foetus prédisposés génétiquement qui auraient des problèmes plus fréquents pendant la
grossesse, comme c'est le cas pour des anomalies génétiques connues, ainsi la trisomie 21
ou le syndrome de l'X fragile.
C) FACTEURS GÉNÉTIQUES
1. Les études familiales génétiques ont mis en évidence un risque de récurrence de 3 %
dans la fratrie, quand un enfant est atteint. Cela est environ 60 fois plus élevé que dans la
population générale. D'autre part, il existe une incidence élevée chez les apparentés aux
premier degré (10 % chez les parents, 20 % chez les frères et soeurs) d'anomalies du
développement du langage ou des relations sociales proches de celles observées dans
l'autisme, mais d'intensité mineure (définissant le phénotype élargi de l'autisme).
Les études entreprises sur les jumeaux montrent chez les monozygotes une concordance de
60 à 70 % et de 90 % si l'on tient compte du phénotype élargi. Chez les dizygotes, la
concordance est de 3 à 4 % et de 10 % si l'on tient compte du phénotype élargi.
2. Une association de l'autisme avec des maladies génétiques identifiées concerne environ
10 % des autistes :
- 1 à 4 % des enfants autistes ont une sclérose tubéreuse (maladie autosomique
dominante) et 20 à 40 % des enfants ayant une sclérose tubéreuse ont un syndrome
autistique. Ceci constitue une piste intéressante pour chercher un éventuel mécanisme
génétique ou neurologique commun. Mais la sclérose tubéreuse est une maladie
autosomique dont le mode de transmission ne peut rendre compte de la forte surreprésentation
des garçons dans les populations d'autistes.
- 5 % environ des enfants autistes ont un syndrome d'X fragile, mais ce pourcentage n'est
pas plus élevé que chez les autres enfants retardés mentaux non autistes. Inversement, 30
à 40 % des garçons atteints du syndrome de l'X fragile, ont un syndrome autistique.
Une association entre la phénylcétonurie et la présence de symptômes autistiques a été
rapportée dans un nombre élevé de cas, mais les symptômes s'améliorent avec les régimes
dépourvu de phénylalaline. Quelques autres maladies rares ont été décrites.
L'autisme serait le trouble psychopathologique le plus largement transmis. Les facteurs
génétiques semblent donc déterminants. Les données disponibles suggèrent qu'il ne s'agit
pas d'une maladie monogénique. D'autre part, il y a trop de filles atteintes pour que le
syndrome soit uniquement lié au chromosome X.
d) Facteurs neurobiologiques
Des études longitudinales réalisées entre l'âge de 2 et 12 ans ont montré que les taux
sanguins de sérotonine chez les enfants atteints d'autisme sont supérieurs à ceux des
témoins. Ces résultats ont conduit à penser que les systèmes producteurs et régulateurs
des catécholamines pouvaient être impliqués dans la physiopathologie du syndrome
(travaux de l'Unité INSERM 316 du CHU de Tours).
E) DYSFONCTIONNEMENT DU CERVEAU ET DÉFICITS COGNITIFS
Jusqu'à présent, les travaux en imagerie cérébrale n'aboutissent pas à des conclusions
constantes sur le dysfonctionnement du cerveau. Cependant, une étude du débit sanguin
cérébral a permis de constater un hypodébit frontal chez les enfants autistes âgés de 3 ans.
Un nouvel examen chez ces enfants à l'âge de 6 ans a montré que le débit était devenu
normal. Ces résultats suggèrent un retard de la maturation métabolique des lobes frontaux
chez les enfants autistes (travaux de l'Unité INSERM 316).
Certains résultats à différentes épreuves psychologiques expérimentales qui permettent
d'évaluer le développement psychologique des enfants, ont montré que les autistes n'ont
pas les "outils" leur permettant d'attribuer des états mentaux aux autres. Les résultats à
différents tests d'intelligence, montrent que les enfants autistes s'acquittent très bien de
toutes les tâches où les stimuli doivent être isolés et échouent dans celles où les stimuli
doivent être reliés, contrairement aux enfants normaux ayant un même Q.I. ou aux enfants
retardés mais non autistes. Ces résultats suggèrent qu'il y aurait dans l'autisme, à une
période critique du développement de l'enfant, une dysfonction du traitement de
l'information qui affecterait le processus central de la pensée permettant d'assurer une
cohérence à l'interprétation d'informations disparates (U. FRITH, L'énigme de l'autisme,
Paris, ed. Odile Jacob, 1992).
En conclusion, en l'état actuel des connaissances, l'autisme est considéré comme un trouble
du développement du système nerveux central dont les causes sont multiples.
V - Les prises en charge de l'autisme
En France, la prise en charge des enfants autistes de 0 à 3 ans se fait dans des Centres
d'action médico-sociale précoce (CAMSP), dans des Centres médico-psychologiques (CMP)
ou dans les services de pédopsychiatrie.
La prise en charge des enfants entre 3 et 12 ans est réalisée dans le cadre des intersecteurs
de psychiatrie infanto-juvénile ou dans le secteur médico-éducatif. Elle peut être à temps
plein ou à temps partiel dans les hôpitaux ou à raison de quelques heures par semaine dans
les CMP ou dans les Centres d'accueil thérapeutique à temps partiel (CATTP). Divers
traitements sont proposées aux enfants dans le domaine rééducatif (langage et
psychomotricité), éducatif et pédagogique et psychothérapeutique. Des psychothérapies
personnelles ou des rencontres dans le cadre d'entretiens familiaux sont proposées aux
parents.
Il existe également des classes thérapeutiques intégrées dans les écoles maternelles ou
primaires et une vingtaine de classes fonctionnant selon la méthode TEACCH.
Après l'âge de 12 ans, la prise en charge spécifique est plus limitée. La plupart des
adolescents sont admis en Institut médico-éducatif (IME) parfois associé à un suivi
psychologique. Il existe quelques hôpitaux de jour et CATTP pour adolescents.
Les structures proposées pour les adultes sont des foyers, lieux de vie, centres d'aide par le
travail, ateliers protégés, et foyers d'accueil gérés par les associations de parents.
Le rapport de l'ANDEM souligne le grave problème des personnes autistes admises en
secteur psychiatrique dès l'enfance et qui demeurent hospitalisées pendant la majorité de
leur vie, faute de solution alternative.
L'insuffisance quantitative et qualitative de la prise en charge des personnes autistes est
soulignée par les différents rapports.
Devant ce constat on ne peut manquer d'évoquer le fait que le travail avec les handicapés
mentaux n'est pas seulement affaire de formation. Il implique aussi pour être optimisé de
très solides motivations car il s'agit d'un travail difficile, souvent réputé ingrat et peu
gratifiant. Cela dit, si l'on arrive à constituer des équipes expérimentées, aux compétences
riches et complémentaires, si ces équipes s'organisent autour d'un projet thérapeutique
cohérent, correctement suivi et régulièrement évalué, les conditions de travail se trouvent
du même coup profondément rémaniées, et le travail avec les handicapés peut dans ces
conditions prendre une signification et une valeur qui le rendront au contraire attractif.
VI - évaluation des traitements
La classification des traitements qui figure dans ce chapitre reprend celle qui a été adoptée
dans le rapport de l'ANDEM.
1. Les traitements médicamenteux
Les conclusions de l'ANDEM après l'étude de la littérature internationale sur les essais
médicamenteux, sont qu'il n'existe aucun médicament spécifique du syndrome de l'autisme.
Les neuroleptiques ou autres psychotropes sont utilisés, mais leur efficacité est limitée à un
ou plusieurs symptômes non spécifiques et leurs effets secondaires limitent leur utilisation à
long terme.
2. Les traitements psychologiques et comportementaux
A) LES TRAITEMENTS D'INSPIRATION PSYCHANALYTIQUE
Le rapport de l'ANDEM, souligne : " il n'existe pas, à notre connaissance, d'études publiées
dans la littérature internationale, qui évaluent de façon systématique les résultats du
traitement psychanalytique seul sur un groupe d'enfants autistes. Il existe des études de
cas d'enfants suivis en cure individuelle par des psychiatres et/ou psychanalystes. Ces
monographies sont intéressantes pour suivre les changements de l'enfant au cours du
temps et suivre la procédure analytique dans son déroulement, mais elles ne permettent
pas d'évaluer l'efficacité de la psychanalyse en termes statistiques et en comparaison avec
d'autres thérapeutiques" .
Ce qui ressort des témoignages de nos interlocuteurs sur la différence des méthodes, serait
ceci : les thérapeutes qui utilisent des méthodes d'inspiration analytique, visent à ouvrir
l'enfant à la relation à autrui en lui donnant les moyens de construire une histoire
personnelle cohérente. Les thérapeutes qui utilisent les méthodes d'inspiration cognitiviste,
poursuivent le même objectif en visant à pallier les handicaps en incitant l'enfant à
reproduire des actions concrètes qui lui procurent un minimum de maîtrise sur son
environnement.
Ce que l'on entend par traitement psychanalytique dans ce cas, n'a qu'un lointain rapport
avec une relation psychanalytique traditionnelle qui implique des capacités de langage et de
communication et un niveau de développement relationnel qui font défaut à la personne
autiste.
B) LES TRAITEMENTS COMPORTEMENTAUX
Ces traitements qui utilisent des " renforçateurs" d'abord positifs puis négatifs, visent à
l'apprentissage de compétences élémentaires et à la réduction des comportements
d'autostimulation ou d'automutilation. Peu de travaux évaluent rigoureusement l'efficacité
du traitement comportemental dans l'autisme. Si certains auteurs ont montré une
amélioration de certains comportements autistiques, ceux-ci réapparaissent en général à la
fin du traitement.
Le rapport de l'ANDEM conclut à une " carence certaine de l'évaluation des traitements
d'inspiration psychanalytique et à un moindre degré, des traitements comportementaux" . Il
considère comme " indispensable de mettre en place une méthodologie évaluative des
différentes formes de traitements, notamment psychanalytiques" .
3. Les méthodes éducatives spécifiques
La méthode TEACCH est la plus connue.
Les auteurs de ce programme considèrent l'autisme comme une déficience organique des
fonctions cognitives. La méthode consiste à évaluer pour chaque enfant ses handicaps, ses
problèmes d'intégration sensorielle, sa capacité d'initiation, sa capacité de compréhension
verbale et non verbale et sa capacité cognitive ne passant pas par la communication. A
partir de cette évaluation, on essaie de donner un outil de communication (par exemple un
objet correspondant à une action), on structure l'environnement et le temps pour
concrétiser les informations (on va dans tel lieu pour faire telle chose), on apprend à varier
image et action (cela peut aller du symbole très concret jusqu'au mot). Ce programme,
comme d'autres programmes éducatifs, met l'accent sur la collaboration entre parents et
professionnels dont la formation est assurée dans le cadre de la méthode. Les tests
d'évaluation sont réutilisés régulièrement pour voir si l'enfant progresse.
La mise en oeuvre du programme est donc accompagnée d'une démarche évaluative, mais
il n'existe pas d'études comparant les résultats obtenus par la méthode TEACCH avec ceux
obtenus par d'autres méthodes de prise en charge.
4. Les méthodes de rééducation
Les études portant sur les méthodes de rééducation du langage et de la psychomotricité
montrent une amélioration des performances verbales et des compétences motrices des
enfants autistes.
5. Les autres méthodes
La méthode de communication facilitée permet aux personnes autistes de communiquer
avec autrui par l'intermédiaire d'un support : tableau constitué d'images ou de lettres de
l'alphabet, machine à écrire, ordinateur. Les personnes autistes sont aidées par une
personne, le " facilitateur" . Cette méthode a fait l'objet d'études expérimentales visant à
tester sa validité. Ces études concluent généralement que les réponses obtenues sont en
réalité induites, volontairement ou non, par le " facilitateur" .
Diverses méthodes de rééducation sensorielle ont été développées mais elles n'ont pas fait
l'objet d'une évaluation scientifique.
6. Le traitement institutionnel
Les prises en charges institutionnelles consistent en une prise en charge globale des enfants
: psychothérapie, soins rééducatifs (orthophonie, psychomotricité), éducation spécialisée.
Une étude réalisée en France dans 12 centres et portant sur 119 préadolescents, dont 49
autistes, évalue de façon rétrospective et longitudinale (2 ans), les différentes modalités de
prise en charge. Les résultats ne montrent que peu d'amélioration du niveau de
développement, des capacités à communiquer, du comportement social adaptatif et du
niveau éducatif (E. Fombonne, Les troubles sévères du développement : le bilan à
l'adolescence, ed. du CTNERHI, Paris, 1995, 250 p.).
Les conclusions du rapport de l'ANDEM sur l'évaluation de l'efficacité des différentes
thérapeutiques et modalités de prise en charge des personnes autistes, soulignent
l'insuffisance d'études d'évaluation de la plupart de ces programmes. Si certains traitements
comportementaux, certaines rééducations, éducations spécialisées, mis en oeuvre seuls ou
en association, permettent d'améliorer certains symptômes autistiques et de favoriser le
développement et la communication, l'absence d'études comparatives ne permet aucune
conclusion solide sur l'éventuelle supériorité d'un type de prise en charge par rapport à un
autre. Le rapport considère que, bien qu'il soit difficile de procéder à des évaluations
comparatives, il reste possible de mettre en place de telles études.
Il ressort de la lecture des rapports de l'IGAS et de l'ANDEM ainsi que de l'audition des
experts consultés, que la situation actuelle dans le domaine de l'autisme est caractérisée
par l'insuffisance des connaissances scientifiques et par l'incertitude. L'examen des
conséquences éthiques de cette situation a conduit le CCNE à adopter un avis dont les
principaux points portent sur la recherche sur l'autisme et sur la prise en charge des
personnes autistes.
L'établissement d'un diagnostic précoce et précis de l'autisme est essentiel pour permettre
la prise en charge la mieux adaptée à chaque enfant. Mais le large éventail des formes
cliniques du syndrome autistique et le fait qu'un tableau clinique comportemental d'autisme
typique peut correspondre à des observations anatomiques, génétiques, voire métaboliques
très différentes, peuvent rendre difficile ce diagnostic. L'utilisation, en France, de critères
diagnostiques qui ne concordent que partiellement avec ceux des classifications
internationales, peut être un facteur de difficulté supplémentaire.
Un important travail de recherche sur les aspects génétiques, neurobiologiques et
pharmacologiques reste à réaliser pour définir de meilleurs critères diagnostiques et il doit
être encouragé. Des centres d'expertise spécialisés fonctionnant comme centres de
recherche clinique et comme centres de référence et de conseil devraient être développés.
La prise en charge des patients atteints d'autisme doit être assurée par des équipes
expérimentées, composées de professionnels ayant une qualification reconnue et validée.
Il convient de veiller à la qualité des soins en évitant, notamment, tout ce qui, dans une
méthode thérapeutique, serait de nature à culpabiliser les patients et leur famille et à
aggraver leur souffrance.
En l'absence de certitudes sur la nature et l'étiologie du syndrome autistique et en l'absence
actuelle de thérapeutiques suffisamment efficaces dans cette indication, toute méthode doit
impérativement faire l'objet d'une évaluation scientifique rigoureuse, qu'il s'agisse de
médicament, de psychothérapie, de méthodes éducatives, de traitement dit " institutionnel"
ou de leur association.
Les résultats de ces évaluations doivent être régulièrement publiés pour que les parents et
les intervenants disposent de points de repères objectifs pour les choix qu'ils doivent rester
libres de faire.
Notes
1. Voir liste p. 3
2. Agence Nationale pour le Développement de l'Evaluation Médicale
(c) 1997, Comité Consultatif National d'Ethique pour les sciences de la vie et de la santé.
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